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A MONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOGNE,

QUI AVAIT DEMANDÉ A M. DE LA FONTAINE
UNE FABLE QUI FÛT NOMMÉE

LE CHAT ET LA SOURIS

Pour plaire au jeune prince à qui la Renommée
Destine un temple en mes écrits,
Comment composerai-je une fable nommée
Le chat et la souris ?

Dois-je représenter dans ces vers une belle
Qui, douce en apparence, et toutefois cruelle,
Va se jouant des cœurs que ses charmes ont pris
Comme le chat de la souris ?

Prendrai-je pour sujet les jeux de la Fortune ?
Rien ne lui convient mieux : et c'est chose commune
Que de lui voir traiter ceux qu'on croit ses amis
Comme le chat et la souris ?

Introduirai-je un roi qu'entre ses favoris
Elle respecte seul, roi qui fixe sa roue,
Qui n'est point empêché d'un monde d'ennemis,
Et qui des plus puissants, quand il lui plaît, se joue
Comme le chat de la souris ?

Mais insensiblement, dans le tour que j'ai pris,
Mon dessein se rencontre ; et, si je ne m'abuse,
Je pourrais tout gâter par de plus longs récits :
Le jeune prince alors se jouerait de ma muse
Comme le chat de la souris.